Portrait : 42 ans de Scrabble avec Jean Riboulet

Pour célébrer ses 42 années de présence au club de Scrabble d'Eymoutiers, nous avons posé à Jean un questionnaire un peu particulier ...

Marie-Do Julliot - Quand as-tu joué ta toute première partie de Scrabble ?

Jean Riboulet - J’ai commencé à jouer au scrabble, comme tout le monde, en parties libres avec les amis.

MDJ - Comment as-tu découvert qu’il existait des clubs et une fédération ?

JR - Grâce aux gens du club de Limoges qui nous ont ouvert la voie. Rapidement, on a organisé à Eymoutiers, avec le club de Limoges, quelques tournois qu’on appelait à l’époque « tournois nationaux ». Ils ont rassemblé à la Halle des Sports, au chauffage chaotique, plus de 120 joueurs. Parmi les vainqueurs, on peut noter Gérard Boccon, Thierry Chincholle (déjà !). Chaque arbitre avait 10 joueurs à corriger et l’on prenait le top de la salle qu’il fallait chercher dans tous les bulletins. Les cumuls étaient faits à la main ainsi que les classements. Pour l’aménagement de la salle, il fallait aller chercher des tables jusqu’à Limoges. Quelle épopée !

Les tournois étaient dotés et lors de la remise des prix, c’était la ruée sur la porcelaine de Limoges, soigneusement collectée par Yvonne Bouvier. On peut se demander comment on a pu gérer tout ça et personne ne voudrait s’y coller aujourd’hui dans de telles conditions.

MDJ - Quel a été ton parcours de scrabbleur jusqu'à aujourd'hui ?

JR - En 1983, un petit groupe s’est formé avec l’idée de créer un club à Eymoutiers. Une ou deux réunions ont suffi et c’était parti ! Beaucoup de personnes sont venues … pour voir, certaines sont restées. Les premiers pas se sont faits d’abord d’une manière classique puis, initiés par le club de Limoges, nous avons abordé le duplicate. Nos professeurs ont été Claude Dumet, Denis Malabou, Michel Fourmond, Yvonne et Alain Bouvier. Ils nous on a appris à jouer et aussi de nouveaux mots : licence, fédération, tournoi, nonuple, zéro, solo …

J’ai assuré les fonctions de trésorier sous la présidence de Jean-Michel Plouvier, Francis Thomas, Evelyne Vinatier à laquelle j’ai succédé le 28 septembre 1996, jusqu’en septembre 2025. 42 ans au service du club dont 29 ans de présidence ... un vrai fossile vivant (NDLR : d'où la photographie d'époque qui illustre cet article : les forêts à l'époque du carbonifère - il y a 359 millions d'années - vues par  le  MNHN !)

Depuis quelques années, moins passionné par le jeu lui-même et débordé par de trop nombreuses activités, je me suis consacré à l’arbitrage. Et aujourd'hui, place aux jeunes : c'est Marie-Christine Stroecken qui prend la présidence du club.

MDJ - Comment arbitrait-on sans ordinateur à l’époque ?

JR - Quand on a débuté, c’était la préhistoire, pas d’ordinateur ! Pour arbitrer, il fallait la collection de dictionnaires, Larousse et Littré, et puis ne pas oublier l’indispensable Bescherelle pour la conjugaison … En plus la Fédé a commencé à rajouter des listes de mots supplémentaires. La correction des bulletins pouvait prendre un … certain temps !

Petit à petit l’ordinateur a pris sa place et, s’il a facilité le travail, a certainement nui à la convivialité des retrouvailles des uns chez les autres. Régulièrement on partait en bande disputer des joutes amicales ou des PAP à Brive, Sarlat, Saint-Céré, Bretenoux, Saint-Léon-sur-Vézère, Saint-Junien et bien sûr Limoges, avec le plaisir de rencontrer nos amis d’alors. (Ci-dessous la photo d'un tournoi en 1988 : ni ordinateur, ni vidéoprojecteur !)

MDJ - Ton mot préféré au Scrabble ?

JR - Pour fêter le passage à l’an 2000, j’avais préparé une partie et le mot SCHWYZOISES, en nonuple et quelques appuis, m’a permis d’atteindre le score fatidique de 2000 points. Depuis je ne l’ai jamais revu !

MDJ - Ton plus beau coup ?

JR - Je n’ai jamais réalisé de coups phénoménaux mais j’ai un bon souvenir d’un YOGHOURT judicieusement joué dans un tournoi à Andrézieux, à l’ère secondaire, qui fait pas mal de dégâts et qui m’avait permis de m’installer en 3e série. Mon voisin de table qui avait mis le H à la fin n’a pas arrêté de râler jusqu’à la fin de la partie.

MDJ - Ta plus grosse “boulette” en arbitrage ?

JR - Là, j’en ai fait quelques-unes mais la plus réussie s’est passée lors d’un tournoi en multiplex à Eymoutiers. Je devais annoncer les tirages et après l’avoir fait, fausse manœuvre et la solution s’affiche sur l’écran. Réaction rapide pour effacer tout ça, mais c’était trop tard …

MDJ - Un souvenir marquant en 42 ans de présidence ?

JR - Il ne faudrait pas oublier le repas de midi, plus ou moins gastronomique qui assurait un début de partie difficile ! Je me souviens d’une petite anecdote. C’était à Sarlat, je crois et, à l’époque les clubs utilisaient les services d’un ramasseur hors-pair, notre ami Robert Piton le Briviste. Il faisait son office à une vitesse impressionnante. Donc on jouait sur des tables de bridge, peu encombrantes mais légères. Robert prit un virage, en fin de rangées sur les chapeaux de roues, emportant la table au passage et le matériel de la joueuse s’est retrouvé éparpillé au fond de la salle. Temps mort, pour récupérer papier, crayon, et caramels !

MDJ - Qu’est-ce qui a le plus changé dans le Scrabble depuis tes débuts ?

JR - L’arrivée de l’informatique et du dictionnaire de référence. Peut-être aussi la multiplication de ces ODS avec une foultitude de mots … ZARBIS.

Cependant, le Scrabble reste un jeu rassembleur où la compétition n’est pas la seule motivation. Le lien social qu'il apporte est sûrement un de ses principaux attraits. Que les joueurs continuent à y prendre du plaisir, à râler sur les scrabbles manqués, et retrouver le sourire lorsque la perf arrive !

MDJ - Ton conseil pour la nouvelle présidente ?

JR - Je n’aime pas trop donner de conseils. Je lui dirai simplement d’assumer sa présidence et de s’efforcer de rester zen dans toutes les situations. Je suis convaincu que Marie-Christine va exercer son (ses) mandat avec bienveillance et efficacité. Bon vent à elle.